Education et dressage, avant-propos
Chaque jour, des propriétaires débutants, et parfois même confirmés, se trouvent confrontés à un ou plusieurs problèmes d’éducation ou de dressage. Pour leur venir en aide, nous avons écrit une série d’articles qui ont tenté d’apporter des solutions à leurs difficultés. Pour ce faire, il fallait avoir recours à un expert.
Pourquoi Bruno DEMOULIN, amateur chevronné, plutôt qu’un professionnel ? Dans l’esprit de la plupart d’entre nous, le travail d’un professionnel est entouré d’une aura inaccessible aux amateurs que nous sommes. Nous nous sentons plus proches de l’un des nôtres. Ce sont donc les conseils d’un ami et non les certitudes de « l’homme de l’art » que Bruno DEMOULIN vous propose dans cette nouvelle rubrique.
En 40 ans de pédagogie, j’ai acquis la certitude que la méthode miracle n’existe pas. Parfois, vous serez en désaccord avec l’auteur de ces recommandations et peut-être aurez-vous raison en ce qui vous concerne, car une méthode doit toujours s’adapter, tant à la personnalité de celui qui l’emploie, qu’à celle de celui auquel elle s’adresse. « Alors, quelle solution choisir ? », me dires-vous. Je répondrai par une lapalissade avec un clin d’œil : « La meilleure est tout simplement celle qui réussit ». (JFV)
Quelques conseils
Jean-François Valibouse : Il y a 6 semaines, j’ai retenu un chiot chez un éleveur ; il est maintenant âgé de 2 mois, je vais le chercher demain…
Bruno Demoulin : Pense d’abord au transport ; il faut prévoir une cuvette en plastique avec une ou deux serpillières au fond, car votre pensionnaire risque d’être malade pendant le trajet. Inutile, pour l’instant, de l’installer dans un superbe panier acheté à grands frais, celui-ci sera aussitôt souillé.
JFV : C’est fait ! mon petit compagnon est maintenant dans la voiture. Je rentre à la maison, très fier, mais un peu inquiet. Ma femme et les enfants, sur le pas de porte, attendent avec impatience le nouveau venu…
BD : On doit savoir que lorsqu’on achète un chien, celui-ci vivra environ de 10 à 15 ans à la maison. Il est donc primordial, d’abord, de lui réserver un coin : SA PLACE. On prépare un coussin ou un panier, car, dès le début, il doit comprendre qu’il y a une place pour le chien, mais aussi des domaines réservés aux maîtres, domaines qui lui sont interdits : fauteuils, chambres, étages etc…
JFV : Que fait-on lorsqu’il transgresse cette interdiction ?
BD : On le remet sans ménagement dans son panier. S’il insiste, on recommence. On ne doit jamais céder. Un chien est comme un enfant, si l’on recule une seule fois, il sent très vite la faille dans le système. Il s’y engouffre aussitôt et il est pratiquement impossible de revenir en arrière.
JFV : Notre petit pensionnaire est désormais séparé de sa mère, ses frères et ses sœurs. Il va s’ennuyer la première journée et la nuit risque d’être agitée.
BD (fermement) : C’est simple. Il ne faut pas entrer dans son jeu. On le laisse pleurer tout seul.
JFV : Sans doute, mais il va y avoir aussi des « catastrophes » nocturnes… Le matin au réveil, la première réaction du maître est de gronder le chien.
BD : Surtout pas. Il faut lui faire comprendre que ce qu’il a fait est mal. Si l’on peut le prendre sur le fait, on lui donne une claque sur ses fesses et on le met dehors. Par contre, si on a la chance de le voir faire ses besoins à l’extérieur, on doit le féliciter chaleureusement de la voix et du geste en exagérant les caresses. Il faut toujours forcer le son de la voix lorsque le chiot a fait une bêtise et de la même façon multiplier les caresses quand on est satisfait de son comportement. C’est la base de l’éducation.
JFV : Les propriétaires attendent tous le moment où ils ne manieront plus la serpillière 5 à 6 fois par jour. Alors combien de temps faut-il compter…
BD : …pour avoir un chien propre ? D’un à deux mois en moyenne en procédant ainsi, mais ce délai peut être beaucoup plus court.
JFV : Cela dépend des sujets, bien sûr.
BD : Oui, mais j’insiste encore : ne jamais gronder un chien qui s’est oublié. Pour lui, faire ses besoins, c’est naturel, il ne peut comprendre qu’il a fait une bêtise. Mais, par contre il saisira très vite que, dès que vous êtes levés, il va avoir sa correction. Or, la vue du maître doit être source de joie et non de crainte.
JFV : J’ai entendu dire, et j’ai du mal à le croire, que certains chiens ne sortent du chenil que pour la chasse. Ils ne connaissent même pas leur nom.
BD : Hélas ! c’est vrai, mais heureusement très rare. Le chien doit avoir un nom officiel, celui du pedigree, et éventuellement un nom officieux (d’une ou deux syllabes de préférence), si celui donné par l’éleveur vous déplait. Mais, appelez toujours votre chien par ce nom. Pas coco, toutou, pépère… Son nom, rien que son nom.
JFV (presque fâché) : Je l’ai déjà écrit dans notre bulletin : « un chien est une créature noble ». Je pense qu’il est profondément stupide de lui attribuer un nom farfelu pour amuser la galerie.
BD : ???
JFV : Je connais un chien, né en 1998, l’année de la Coupe du Monde de football, que son propriétaire a appelé « On est les meilleurs ». Deux frères, nés un an plus tôt affublés des noms de « Nord-Est » et « Nord-Ouest » !
BD : Pauvres bêtes !
JFV : Non ! Pauvres maîtres …
BD : Pendant 5 à 6 mois, toutes les circonstances doivent être prétextes à appeler son chien : en premier lieu, la gamelle. Il faut l’appeler, l’appeler, encore l’appeler, cela va faciliter un domaine essentiel de l’éducation : le rappel.
JFV : Nous y voilà !
BD : Il ne faut pas se faire un monde du rappel. En réalité, la démarche est simple. On prend un morceau de ficelle assez long qu’on attache au chien. On l’appelle plusieurs fois en le ramenant vers soi, et, lorsqu’il est à vos côtés, on peut lui donner une croquette. Cette opération est répétée 5 à 6 fois par jour, pas plus. C’est un jeune. Son attention ne peut être soutenue que quelques minutes. On ne doit donc pas l’abrutir.
JFV : Je suppose qu’on ne multiplie pas la distribution de croquettes.
BD : Sur ce point, ma conception est différente de celle de beaucoup d’éducateurs. Un chien doit d’abord agir pour faire plaisir à son maître et non avec l’espoir de grignoter une friandise. On peut renouveler « l’opération croquettes » une fois ou deux, mais ensuite les félicitations et les caresses doivent impérativement être la seule récompense. Personnellement, je m’arrête après la première fois.
JFV : Il va bien falloir le faire sortir ce petit chien.
BD : Bien sûr et commencer la marche en laisse. On lui met donc la laisse. Cela ne lui plaît pas du tout. Il est très fâché, mais ce n’est pas grave ! On le prend dans ses bras, on le met dehors et là, on peut lui donner une petite récompense et on le caresse abondamment. Après, le chien finira par y aller de lui-même.
JFV : Que penser de la laisse rétractile ?
BD : J’y suis farouchement opposé. Un chien qui a pris l’habitude de marcher tranquillement en laisse peut brusquement voir un chat sur le trottoir d’en face. Si votre trottoir mesure 2 mètres et que la laisse en fait 5, le chien court le risque de se faire écraser. La laisse à enrouleur peut se justifier dans la nature, jamais sur un trottoir.
JFV : Revenons à la marche en laisse.
BD : Une fois que le chien est dehors, on l’appelle plusieurs fois en le ramenant à soi et on caresse. Le chiot va très vite comprendre où est son intérêt. Pour lui, la laisse va devenir synonyme de promenade et en une ou deux leçons, il l’acceptera avec joie, parfois même avec un peu trop d’exubérance…
JFV : Il faut donc exiger qu’il s’assoie avant.
BD : Sans aucun doute, comme il va aussi falloir exiger le « assis » devant la gamelle. Cet ordre, suivi de « prends » au bout de quelques secondes, va nous aider plus tard pour le rapport « appris » et la sagesse à l’envol.
JFV : Nous en reparlerons dans le prochain article…
Jean-François Valibouse : Dans le chapitre précédent, nous avons évoqué « Les premiers pas à la maison et à l’extérieur », mais notre chien a grandi ; il va falloir maintenant songer à le faire chasser.
Bruno Demoulin : Oui ! et pour chasser, il faut absolument un chien attentif aux ordres.
JFV : J’ai quelques amis qui, pour se faire obéir, hurlent toute la journée et…
BD : Le chien, complétement abruti, fait alors n’importe quoi, le maître perd peu à peu sa voix, sans parler de la gêne procurée aux autres chasseurs.
JFV : Si j’ai bien compris, nous allons donc parler aujourd’hui d’obéissance sur le terrain et qui dit obéissance dit collier électrique.
BD : N’allons pas trop vite. Le rappel dans votre cour ou votre jardin est maintenant acquis (voir article précédent). Munissez-vous d’un cordeau d’une dizaine de mètres et amenez votre compagnon dans une pâture fermée de préférence. Lâchez-le et laissez-lui faire 2 ou 3 lacets. N’attendez pas que le chien soit au bout de la pâture. Rappelez-le en vous aidant au besoin de la longe et, dès qu’il est à vos pieds, caressez-le abondamment. Relancez-le et, cette fois, ne le rappelez qu’au bout de 5 à 6 lacets et ainsi de suite, jusqu’à ce que le chien ait bien compris ce qu’on attend de lui.
JFV : Mais si cela se passe mal ?
BD : On recommence en repartant de zéro.
JFV : Pas de collier électrique en cas de désobéissance ?
BD : Surtout pas ! Les dommages risqueraient d’être irréversibles. Pour un amateur peu averti, cet exercice doit se faire uniquement au cordeau. Le collier électrique est avant tout un moyen de sécuriser le propriétaire du chien.
JFV : C’est vrai. Personnellement, j’ai chassé une saison sur un terrain bordé d’un côté d’une autoroute et de l’autre, d’une route Nationale. Mon chien a porté un collier électrique toute la saison, sans que j’ai eu l’occasion de m’en servir une seule fois. Mais, j’avais toujours la possibilité d’intervenir en cas de danger.
BD : Même si le procédé peut paraître cruel à certaines personnes sensibles, une décharge électrique mesurée est moins dommageable à un chien qu’un choc avec une voiture.
JFV : Sans doute. Alors, quel collier acheter ?
BD : Je déconseille les colliers d’entrée de gamme, notamment ceux à piles dont la fiabilité peut être contestable.
JFV : Et en ce qui concerne la portée ?
BD : Une portée de 600 mètres me semble être un bon compromis. De toute façon, il faut évidemment rappeler son chien avant qu’il n’ait atteint cette distance.
JFV : Il existe maintenant des colliers avec vibreur (ou pager) comme ceux des téléphones portables qui procurent au chien un léger désagrément sans aucune douleur.
BD : Ce sont ceux dont je me sers et que je recommande vivement. Donc, lorsqu’on pratique un exercice d’obéissance, on attache le cordeau, puis le collier électrique au cou…
JFV : J’avais compris précédemment le contraire.
BD : Oui et non. Je m’explique : on met le collier au chien, sans l’allumer, pour l’habituer, de telle façon que celui-ci ne soit plus une gêne pour l’animal. Ainsi, le jour où on aura besoin de cet accessoire, le chien ne se rendra pas compte que c’est le collier qui est la cause de la vibration.
JFV : Quand utilise-t-on le vibreur ?
BD : Celui-ci est fait essentiellement pour attirer l’attention. Le chiot. court sur le terrain, on l’appelle. S’il ne revient pas ; on actionne alors le vibreur une à deux secondes ; le chien est surpris et se pose des questions. Il faut tout de suite l’appeler et le ramener à soi. Ensuite on le caresse. C’est la meilleure des méthodes surtout pour un chien sensible.
JFV : Au bout de quelques séances, notre sujet sait maintenant qu’il doit impérativement revenir quand on l’appelle. Mais, ne va-t-il pas s’habituer au vibreur et attendre son signal pour revenir ?
BD : Pas exactement : le vibreur perdra peu à peu l’effet de surprise qu’il avait au début…
JFV : d’où un risque de désobéissance.
BD : C’est la raison pour laquelle nous allons passer à la deuxième étape. Il existe sur un collier électrique 3 autres boutons : d’abord un potentiomètre gradué souvent de 1 à 10, qui permet de régler l’intensité de la décharge, ensuite un bouton appelé « nick ou flash » qui donne une impulsion brève et enfin un dernier nommé « cont. » pour une impulsion continue.
JFV : Alors, si notre chiot est intéressé par un papillon, un moineau qui s’envole au loin ou plus simplement n’a pas envie d’obéir, on actionne…
BD : Pas de précipitation ! On a précédemment réglé l’intensité sur une petite valeur et, au premier signe de désobéissance, on remplace le vibreur par le bouton « nick. », surtout pas la touche « continu ». Mais, attention ! N’oublions pas, et ceci est très important, que, dans ce cas, l’on n’enfonce jamais une touche de la télécommande sans avoir donné un ordre auparavant. Cette façon de procéder par étapes successives est personnelle, mais avec l’expérience, j’ai acquis la conviction qu’elle était parfaitement adaptée à nos 3 races de chiens.
JFV : Quand utilise-t-on alors le troisième bouton ?
BD : J’ai oublié de préciser que lorsqu’on a acheté un collier électrique, on doit d’abord le mettre à son bras pour le tester, en commençant par les valeurs 1 ou 2. La douleur est bénigne. Mais quand on atteint 6, 7 ou plus, elle devient insupportable. Cette expérience modère ensuite votre tentation d’appuyer frénétiquement sur toutes les touches pour vous faire obéir ou pour retrouver votre chien.
A ce propos, voici un exemple fréquent d’erreur chez les débutants. Votre compagnon a disparu et vous le cherchez sans succès. Vous vous dites : « On va lui donner un coup de collier pour lui apprendre les bonnes manières ». Et vous passez à l’action. Manque de chance ! votre chien était à l’arrêt sur une bécasse. Soyez sûr qu’il n’en arrêtera plus une de sa vie. On n’appuie sur la télécommande que lorsqu’on est sûr de ce que fait notre élève. Si l’on a le moindre doute, on s’abstient.
JFV : Le vibreur ne peut-il être une solution dans ce cas précis ?
BD : C’est une possibilité, car, il ne traumatise pas le chiot.
JFV : Nous avons dit tout à l’heure que le collier électrique était avant tout destiné à sécuriser le chasseur, je suppose que le bouton « cont. » a un rôle important dans ce domaine.
BD : Vous êtes à la chasse ; votre chien aperçoit un lièvre et brusquement, il met le « turbo » en action. Pour lui, le risque de traverser une route et de se faire happer par une voiture est sérieux…
JFV : Une statistique montre que la plupart des accidents mortels de chiens à la chasse, le sont dans ces conditions.
BD : Actionnez la touche « cont. » en augmentant peu à peu la valeur du potentiomètre et arrêtez votre pression dès que le chien revient. N’oubliez pas que, dans ce cas, vous ne devez faire, ni dire quoi que ce soit à votre compagnon. Ni caresses, ni compassion, ni reproches. Vous êtes étranger à ses ennuis. En fait, il doit croire que c’est le lièvre qui lui a fait mal.
JFV : Je pense qu’au bout de 2 à 3 traitements de ce genre, il y a de grandes chances pour que notre compagnon respecte désormais les capucins rencontrés.
BD : C’est vrai, mais il ne faut pas exclure quelques récidives au moment où on s’y attend le moins.
JFV : Nous n’avons pas encore parlé du « down » et pourtant les dresseurs professionnels affirment souvent que le « down » à distance est un point capital du dressage d’un chien d’arrêt. Pour ce nouvel exercice, on va enfin pouvoir ranger le cordeau…
BD : Il n’en est pas question. Tant que notre jeune élève est en phase de dressage et que l’exercice n’est pas acquis, il doit impérativement garder sa longe. Cela le ralentit, peu importe. Il reste dans vos pieds, mettez-le avec un chien expérimenté. Et surtout ne dites pas : « Mon chien ne court pas, je lui enlève la longe ». Cela peut durer un jour, deux jours ou plus, mais en général, cela ne va pas au delà d’une semaine. Gardez confiance !
JFV : Le dressage est une école de patience et plus on veut brûler les étapes, plus le risque d’échec est grand.
BD : Le « down » à distance commence toujours en attachant le chien à un objet fixe. Cela peut être un piquet, l’anneau d’une voiture, un arbre, peu importe. Raccourcissez la longe, accrochez votre chien et, à chaque fois que vous passez devant, lui, dites : « Down ».
JFV : Ne risque-t-il pas de s’énerver ?
BD : Sans doute, mais ce n’est pas grave ; vous allez à sa rencontre et vous le caressez. C’est le B A BA de cet exercice. Il faut qu’il sache que lorsque vous allez le voir, il n’y a pas de danger. On ne lui demande pas de se coucher. Qu’il soit assis ou debout n’a pas d’importance : on exige qu’il soit immobile au piquet.
JFV : Pourquoi la position allongée est-elle interdite ?
BD : Personnellement je suis contre, car elle a trop tendance à soumettre le chien. De toute fa&ccdil:on, quand on lui mettra une contrainte, il se couchera de lui-même. A ce sujet, si l’amateur est en difficulté, je lui conseille le livre « Je dresse mon chien d’arrêt » de l’abbé GODARD, père de tous les dresseurs modernes. Le seul point sur lequel j’émettrai une réserve, c’est la position exigée : couchée, la tête en les pattes.
JFV : Il me semble évident que le down à distance va nous servir entre autre pour la sagesse à l’envol et au feu. Si la végétation est haute, comment le chien dans cette position pourrait-il voir où le gibier tombe ?
BD : Après avoir répété et répété cet exercice plusieurs jours, on peut commencer à enlever le cordeau et exiger le down. Le chien doit alors rester au piquet sans bouger.
JFV : La tentation va être grande de faire quelques pas.
BD : Dans ce cas, on va le chercher, on le prend dans ses bras et on le remet sans ménagement à sa place. Et si vous n’êtes pas sûr de votre coup, raccrochez-le. Je ne connais pas beaucoup de chiens qui n’aient pas réussi à comprendre cet exercice.
Vous pouvez aussi, après l’avoir attaché à une longe courte et lui avoir imposé le down, vous éloigner ; s’il le chien vous suit, laissez-le faire jusqu’à ce que la longe l’immobilise. A ce moment criez distinctement : « Down ».
JFV : Nous avons acquis un certain nombre d’outils en ce qui concerne l’éducation et l’obéissance de nos chiens et maintenant, nous allons fièrement partir à la chasse avec un chien ayant parfaitement assimilé toutes les notions apprises précédemment.
BD : Oui, mais, attention ! notre compagnon sera sage pendant le premier quart d’heure et, la passion montant, il va peu à peu oublier toute l’éducation que vous avez eue tant de mal à lui inculquer. Ne vous énervez pas. Avec le temps et l’expérience, tout rentrera dans l’ordre.
Jean-François Valibouse : Notre chasseur des chapitres précédents a présenté son chien àà un TAN, puis à un field d’initiation. Et, c’est non sans fierté qu’il a appris du juge que son compagnon avait des capacités au-dessus de la moyenne : « Il serait dommage de ne pas le présenter à un field-trial », lui a affirmé celui-ci.
Bruno Demoulin : Nous allons partir du principe que le chien a une quête déjà bien réglée et qu’il arrête correctement le gibier. L’étape d’aujourd’hui sera plus particulièrement réservée à la compétition : la sagesse à l’envol.
JFV : Aïe, aïe, aïe ! Travailler la sagesse à l’envol, c’est réfréner l’envie d’un chien d’attraper son oiseau, donc entamer dangereusement sa passion.
BD : C’est vrai, mais si l’on applique quelques règles simples avec rigueur et doigté, tout devrait bien se passer…
Mais (avec un sourire ironique), c’est bizarre, tu ne m’as pas encore parlé pas du collier électrique ?
JFV : Oh ! le vilain procès d’intention. Non, non, il a été soigneusement rangé au fond du placard pour éviter toute tentation.
BD : Bravo !
Pour cet exercice, il est hors de question de l’utiliser, le remède serait pire que le mal. Dans ce cas, le collier électrique est exclusivement réservé aux professionnels.
JFV : Je m’en doutais un peu.
BD : Premier principe : il faut toujours travailler au cordeau, sur boîte d’envol avec pigeon.
JFV : Pourquoi le pigeon ?
BD : Parce que le pigeon n’est pas un gibier, c’est l’oiseau de prédilection du dressage en général et de la sagesse à l’envol et au feu en particulier.
JFV : Et si l’on commet une erreur ?
BD : Ce ne sera pas trop grave, on pourra toujours avoir recours à des cailles. Tu n’as pas oublié ton pistolet d’alarme ?
JFV : Non, non, il est dans ma poche prêt à l’emploi.
BD : Alors, nous pouvons commencer. On choisit donc un champ à bon vent, on prend soin de cacher la boîte et on lâche le chien dans sa direction avec le cordeau…
JFV : Et déjà un petit souci : le chien n’arrête pas.
BD : C’est pourquoi nous allons prévoir deux cas de figure.
Premier cas : Le chien a un arrêt ferme. Dès qu’il est immobilisé, on se saisit le cordeau, on caresse le chien et on le fait couler à l’ordre.
JFV : Et s’il commence à couler de lui-même sans autorisation ?
BD : On le remet en arrière en imprimant une petite secousse au cordeau. Quand le chien est parfaitement immobile, on déclenche l’ouverture de la boîte…et on donne un coup de feu avec le pistolet d’alarme.
JFV : Le chien va essayer de partir derrière l’oiseau.
BD : Oui, mais on le retient alors en le calmant, puis on le fait passer derrière la boîte et on le relance pour 2 ou 3 lacets.
JFV : Je suppose que pour atteindre une parfaite sagesse, on doit varier les situations.
BD : C’est la raison pour laquelle on changera le plus possible la position de la boîte d’envol. Autant que faire se peut, on utilisera des biotopes différents et on recommencera l’opération. Au bout de quelques leçons, le chien sera rompu à cet exercice.
JFV : Deuxième cas de figure : le chien a un arrêt incertain.
BD : Dès qu’il prend l’émanation, on le ralentit au cordeau et on le stoppe à l’endroit où il doit arrêter, on déclenche l’ouverture de la boîte et on procède de la même façon que précédemment.
JFV : Sans doute, mais, au moment de l’envol, le conducteur est toujours resté près du chien ; s’il s’éloigne, il y a danger de récidive.
BD : Eh bien maintenant que le chien est parfaitement sûr et que l’exercice est maîtrisé sans aucune faille, on va vérifier sa sagesse à distance. On pose donc une nouvelle fois la boîte, on lâche le chien avec son cordeau, il prend l’émanation, il arrête, on déclenche. S’il est sage, bravo ! S’il ne l’est pas, on doit le porter et le ramener sans ménagement à la place qu’il n’aurait pas dû quitter et on le met au down. On augmente ensuite peu à peu la distance de déclenchement.
JFV : Cet exercice est une sévère contrainte pour notre compagnon et une réaction craintive peut le mener au blinkage. Il va alors éviter la boîte ou revenir vers son conducteur.
BD : Cela n’est pas impossible. Dans ce cas, il faut absolument lui tuer un gibier pour ranimer sa passion. Attention ! tout ce qui a été dit précédemment est essentiellement valable pour le gibier tiré.
JFV : Et pour les fields de printemps sur perdrix ?
BD : On adoptera la méthode du « down » à distance qu’il faudra bien réviser avant de faire l’exercice. Notre chien a maintenant les bases de la sagesse à l’envol expliquée ci-dessus. On déclenche alors l’ouverture de la boîte, de plus en plus loin, en donnant avec autorité, à ce moment précis, l’ordre du « down ». Laissez le chien dans cette position pendant une bonne minute et allez chercher votre compagnon.
JFV : Si j’ai bien compris, celui-ci ne doit pas revenir à son conducteur.
BD : Surtout pas. Et s’il dérogeait à cette règle, on doit procéder comme on l’a fait plus haut.
JFV : Puis nouvelle immobilisation d’une minute ?
BD : Bien sûr. C’est pourquoi, ces exercices très contraignants (on l’a déjà dit) doivent se faire dans la gaîté et avec la passion. Sinon, on revient en arrière en tuant un gibier.
JFV : Quand utilisera-t-on une perdrix ou un faisan ?
BD : Si toute cette partie a été acquise, et seulement dans ce cas, on pourra alors faire travailler le chien sur du gibier làché en utilisant la même méthode. Ne pas oublier le cordeau pour intervenir éventuellement.
JFV : Un dernier conseil ?
BD : Attention au caractère de votre compagnon ! Plus le chien sera dur, plus il faudra être ferme. Dans le cas contraire, soyez prudent. Seule la répétition des exercices, avec toute la patience nécessaire, fera que votre chien sera sage à l’envol.
JFV : Que de déceptions, de découragements, d’efforts, mais aussi de joies pour en arriver là !
BD : Certes, mais maintenant, l’heure de la récompense est venue : vous pouvez enfin commencer l’entraînement sur gibier naturel.
JFV : Quel est le dernier recours en cas de problème ?
BD : Prendre conseil auprès d’un professionnel.
Pour terminer, j’ajouterai que cette méthode est particulièrement adaptée au caractère de nos épagneuls.
Nous n’avons pour l’instant parlé que de la sagesse à l’envol. La prochaine fois nous parlerons de la sagesse au feu (fusil de chasse avec chute du gibier).
Jean-François Valibouse : Il y a quelques jours, je m’entretenais avec un dresseur professionnel qui me faisait part des côtés agréables de son métier, mais aussi de la difficulté à apporter une solution de dressage personnalisée à des chiens appartenant à des races aussi différentes que des braques allemands et des Pont-Audemer. Lorsque soudain, il s’arrêta brusquement et, après un instant de silence, il me làcha d’un seul trait, presque en colère : « Finalement, ce ne sont pas les chiens qui sont les plus délicats à dresser, ce sont les maîtres ! Combien de fois un travail scrupuleux de trois mois a été anéanti en trois jours par un propriétaire insouciant ! »
Bruno Demoulin : Dresser les propriétaires ? Vaste programme…
JFV : …comme aurait dit un homme célèbre, s’il avait été cynophile. Peut-être pourrions envisager ce sujet lors de l’une de nos prochaines conversations ? Mais, revenons à nos moutons, si l’on peut s’exprimer ainsi en parlant de chiens. Nous devions nous entretenir aujourd’hui de la sagesse au feu.
BD : La sagesse au feu est essentiellement réservée aux chiens de field-trials. Le chasseur, lui, souhaite que son chien rapporte le plus rapidement possible pour ne pas perdre le gibier abattu ou désailé.
JFV : Il est vrai que peu d’entre eux se soucient de la sagesse à l’envol et encore moins de la sagesse au feu. Je confesse que mon vieux « retraité » de 12 ans a oublié tous les principes propres à la compétition. Il se fait plaisir et je pense qu’il l’a bien mérité.
BD : On va donc procéder comme pour la sagesse à l’envol…
JFV : …c’est à dire se munir d’un cordeau et d’une boîte d’envol.
BD : Oui, mais il faudra également faire appel un ami, de préférence bon tireur.
JFV : On pose l’oiseau dans la boîte sans que notre compagnon voie l’opération.
BD : Et on lance le chien. Arrêt, coulé, ouverture de la boîte à distance ; mais, contrairement à la leçon précédente, l’oiseau est tiré.
JFV : Et là, c’est la catastrophe.
BD : Eh bien non ! Assez curieusement, il arrive souvent que le chien ne bouge pas la première fois. On l’envoie alors au rapport.
Attention, maintenant que le chien a senti dans sa gueule l’odeur de la « viande » ; la passion va prendre le dessus.
JFV : On recommence donc l’exercice…
BD : …en ayant préalablement fixé le cordeau à son collier. Dès que le chien est à l’arrêt, on ramasse le cordeau, on fait couler, on déclenche et on tire. Si le chien part au feu, on le stoppe fermement avec le cordeau et on attend au moins 30 secondes pour le faire rapporter. Avec un chien réceptif, cela devrait suffire.
JFV : Sinon ?
BD : Il faut utiliser encore le cordeau, mais cette fois en ayant recours au « down ». Plus le chien est passionné, plus il faudra être ferme.
JFV : Mais en field, chaque pièce n’est pas toujours tirée, les bécasses ou bécassines par exemple le sont rarement.
BD : Un raté n’est pas impossible non plus. Si le chien s’aperçoit que le gibier ne tombe pas, il risque de partir à l’envol. Dans ce cas, une seule solution : de nouveau le cordeau et le « down ».
JFV : Jusqu’à présent on n’a utilisé que la boîte d’envol.
BD : Tout à fait. Aussi quand le chien a assimilé les exercices précédents, on essaie de poser le gibier le plus naturellement possible. Il nous faut vérifier sa « sagesse ».
JFV : Comment ?
BD : En le mettant dans les conditions d’un concours : plus de cordeau, plus aucun moyen de contrainte. Soit notre futur champion a compris : alors, vous êtes prêts pour les fields.
JFV : Ce n’est certainement pas toujours le cas.
BD : Eh bien, on revient en arrière. C’est la répétition qui fait qu’un chien est bien « mis ». Mais attention, ce n’est pas gagné pour autant ! Il faudra souvent réviser tous ces exercices. La sagesse n’est pas dans les gènes du chien, au contraire de la passion. Cela est vrai du moins en ce qui concerne nos épagneuls.
JFV : Nous n’avons pas encore parlé de collier électrique.
BD : Celui-ci ne peut être utilisé qu’avec le conseil d’un professionnel. Un amateur un peu trop chaud sur la télécommande peut causer l’irrémédiable blinkage.
JFV : Là, plus que jamais on doit appliquer le principe : « Dans le doute, abstiens-toi ».
Jean-François Valibouse : Je me suis souvent posé la question de savoir pourquoi l’on donnait à la quête le qualificatif : « croisée ».
Bruno Demoulin : ???
JFV : En effet, qui dit croix, dit intersection, cela laisse supposer que le chien, au fil des lacets, recoupe constamment sa trace, alors qu’au contraire, cela lui est formellement interdit, nous le verrons dans un instant.
BD : Où est ma bible, mon livre de référence « Je dresse mon chien d’arrêt » de l’abbé Godard ? Voyons… Page 111, lui ne parle que de quête, pas de quête croisée. Nous nous en tiendrons donc là.
JFV : D’après la définition du dictionnaire, la quête est l’action d’aller à la recherche de quelqu’un ou de quelque chose. En ce qui nous concerne, il s’agit donc de la recherche du gibier par un chien sur un territoire délimité.
BD : Oui et voici déjà quelques principes. Pour donner toutes les chances au chien, il faut que sa quête soit parfaitement réglée. Elle se fait toujours « à bon vent » : le conducteur marche vent dans le nez. Quant au chien, il doit aller en avant sans recouper sa trace.
JFV : Si un chien, en bout de lacet, fait une boucle en direction de son conducteur et repart dans le bon sens, il recoupe forcément sa trace…
BD : Cela s’appelle « un crochet en-dedans » ; c’est sévèrement sanctionné lors d’un field-trial en plaine. Pour la chasse, peu importe ! Par contre, il faut éviter les pointes en avant qui laissent le gibier sur les côtés.
JFV : J’ai un ami qui prétend que, pour ramener le gibier vers lui, sa chienne (un pointer inégalable d’après ses dires), part devant en trombe et revient en faisant des lacets.
BD (riant) : Ha ! ha ! ha ! Ce n’est pas que sa chienne est extraordinaire, cela tient tout simplement au fait que ton ami chasse avec le vent dans le dos.
JFV : Je pense que je vais lui laisser ses illusions.
BD : La quête est définie par rapport à 2 dimensions : l’amplitude (ou largeur des lacets) et l’ouverture (profondeur des lacets). Elles sont toutes deux mentionnées dans le standard de travail de la race du chien, en laissant toutefois part à une certaine tolérance. En théorie, la profondeur est une portée de fusil.
JFV : Et en pratique ?
BD : Au printemps, environ 30 mètres et en gibier tiré 15 à 20 mètres.
JFV : Je pensais que l’ouverture dépendait du nez du chien. Pour moi, plus celui-ci a de nez, plus l’ouverture peut augmenter sans risque de tape.
BD : C’est vrai, mais le juge n’est pas censé connaître la longueur de nez de ton chien. L’ouverture doit donc rester dans le domaine du raisonnable.
JFV : Passons maintenant à l’amplitude.
BD : Un continental devrait tourner à environ 80, voire 100 mètres de son conducteur.
JFV (avec un sourire dubitatif) : Hum ! J’ai vu souvent en compétition des lacets de 200 mètres sans que cela émeuve pour autant le juge.
BD : Peut-être, mais, l’année dernière, j’ai conduit un chien dont le parcours était exceptionnellement grand avec un point pris au diable-vauvert. Après une telle prestation, j’étais certain d’être en tête du concours et, aux résultats, j’ai dû me contenter d’un simple CQN. Donc prudence… ! En réalité, si l’amplitude de quête est un peu plus grande que la norme, ce n’est pas très grave dans la mesure où le chien n’ouvre pas trop.
JFV : Tous les chiens quêtent naturellement, mais, pour un jeune, la recherche du gibier, est presque toujours désordonnée. Que faire pour la canaliser ?
BD : D’abord, choisir un terrain délimité, une culture par exemple, et il ne faut pas avoir peur de mouiller sa chemise…
JFV : Soit. Commençons par les lacets en-dedans.
BD : Deux solutions. Pour la première, le down doit être acquis et réalisé de façon impeccable. Si le chien commence à tourner dans le mauvais sens, on le stoppe en le mettant au down et on le fait repartir dans la bonne direction.
Pour la deuxième, on doit anticiper : dès qu’il amorce son lacet en-dedans, il faut courir jusqu’à lui et le repousser du geste vers l’avant. En général, cela se passe bien.
JFV : Sans doute, mais après ce remède, le chien ne prend-il pas l’habitude d’interroger souvent son conducteur ?
BD : Cela peut arriver. Toutefois, par expérience, je dirai que ça lui passera assez vite.
JFV : Abordons maintenant le problème d’un excès d’ouverture.
BD : Quand le chien ouvre trop, on s’accroupit, on le siffle pour le ramener et, à la bonne distance, on se relève et on le relance sur le côté. D’autre part, on conduit son chien en marchant tranquillement, car, plus on se presse, plus le chien va ouvrir.
JFV : C’est le défaut de beaucoup de débutants.
BD : On peut aussi tuer une caille dans le dos du chien pour lui faire comprendre qu’il a oublié un oiseau.
JFV : Subtil ! Il fallait y penser.
BD : Attention à ne pas se laisser griser par la vitesse de son chien. Celui-ci avance…, avance… et peu à peu sort de la main. On doit impérativement le conduire.
JVF : Passons maintenant à celui qui « cire les bottes de son conducteur », situation inverse de la précédente.
BD : Dans ce cas, il faut le mettre à mauvais vent, car il va forcément chercher son vent en ouvrant. Ou, deuxième solution, le faire courir avec un autre chien bien réglé.
JFV : Poursuivons avec le problème d’une amplitude de quête supérieure à la normale.
BD : Rien n’est plus simple, il suffit d’utiliser son sifflet pour cadrer la quête.
JFV : Dernier point, le chien refuse de faire les bordures.
BD : On pose alors dans une boîte d’envol un gibier à chaque extrémité. Si le chien raccourcit son lacet, on déclenche l’ouverture de la boîte derrière lui. Puis on le relance sur l’autre bordure où est cachée la deuxième boîte et on lui tue l’oiseau.
JFV : Un dernier conseil ?
BD : Régler la quête, c’est bien, mais attention à laisser au chien l’initiative sur le gibier : ne pas intervenir, par exemple, lors des remontées d’émanation. Par contre si celui-ci ne conclut pas, l’obliger, non seulement à reprendre sa quête à plat, mais aussi à revenir en arrière sur le terrain non exploré.
JFV : Nous allions oublier la quête au bois.
BD : Dans ce biotope, le chien doit revenir souvent au contact sans qu’il soit nécessaire de le siffler. Certains préconisent une quête « en étoile ». Personnellement, je préfère une quête en cercles ou, pour être plus précis, en spirales.
Un dernier mot avant de conclure : choisir la grosseur de la cloche en fonction de la quête de votre chien si vous voulez être sûrs de le localiser.
Bruno Demoulin : Aujourd’hui, nous allons aborder une partie très délicate du dressage : le rapport.
Jean-François Valibouse : Autrefois, avant que la chasse ne se démocratise, elle était l’affaire des personnes aisées, c’est-à-dire des nobles et grands bourgeois. Quand ils chassaient le petit gibier, ils avaient deux chiens : un chien d’arrêt pour débusquer les oiseaux et un retriever pour les rapporter. Je passerai sous silence la paire de « Purdey » et le domestique qui rechargeait un fusil pendant que son maître utilisait l’autre.
BD : Oui, mais à notre époque, la grande majorité des chasseurs ne possèdent qu’un seul chien. Celui-ci doit être polyvalent…
JFV : …d’où la nécessité du rapport.
BD : Après la sagesse à l’envol et surtout au feu qui interdisent au chien de se précipiter sur le gibier, celui-ci, par excès de prudence, refuse souvent le rapport.
JFV : Restons optimiste : supposons que, par chance, le chien rapporte sans aucune appréhension, notre bienheureux chasseur a-t-il déjà terminé son dressage ?
BD (riant) : Et nous notre article…
Soyons sérieux, si l’on envisage la grande compétition, il faudra alors travailler le « assis » et le « donné à la main ». On doit savoir en effet que le rapport est la conclusion d’ « un point » et que deux chiens dont le parcours a été équivalent seront départagés par la qualité de ce rapport.
JFV : C’est vrai ! je connais un juge, que je ne nommerai pas, qui est particulièrement pointilleux sur le départ du chien à l’ordre, mais aussi sur le « donné » dans les mêmes conditions. Malheureux conducteur dont le compagnon s’est débarrassé de son oiseau en le jetant à ses pieds ! Il se fait vertement tancer.
BD : Deuxième cas : notre auxiliaire ne veut pas rapporter. On peut envisager alors 3 solutions.
JFV : Commençons donc par la première.
BD : Emmenez avec vous un autre chien plus âgé (le moniteur) qui n’a aucun problème dans ce domaine. Envoyez votre élève au rapport et, s’il refuse, lancez alors votre moniteur. Il y aura 50% de chances pour que votre jeune se précipite sur son oiseau et le ramène par jalousie. Sinon, faites rapporter le moniteur et caressez-le abondamment sans jeter un regard sur votre autre compagnon. Je vous garantis qu’il sera très vexé. On recommence l’exercice plusieurs fois et on finit par ne plus envoyer le moniteur. C’est gagné ? Bravo ! Mais, attention, avec cette méthode, il y a des risques qu’un jour votre chien n’ait pas envie de rapporter.
JFV : Jouer sur la psychologie d’un chien, cela me paraît astucieux. Voyons la deuxième solution.
BD : Il s’agit cette fois de triompher de cette difficulté par le jeu. On commence dès l’âge de 3 ou 4 mois. Une bonne vieille chaussure ou un petit ballon crevé fera l’affaire. Faites rapporter le jouet dans la joie pendant toute la jeunesse de votre chiot et un jour, on lance l’objet et on tient son chien pendant 2 ou 3 secondes avant de l’envoyer au rapport. On allonge alors peu à peu le temps de maintien jusqu’à environ 30 secondes. Il faudra toujours prendre soin qu’il conserve son attention. On lui apprend ensuite à s’asseoir, puis on met quelques plumes autour d’un bout de bois et l’on recommence depuis le début.
JFV : Et, la troisième solution ?
BD : C’est le rapport appris.
JFV : ???
BD : Très jeune, on enseigne 4 commandements essentiels : « va chercher, prends, tiens bon et donne ».
JFV : Cela mérite quelques explications.
BD : On met d’abord un cordeau au chien. N’oubliez pas que le cordeau est le lien entre le chien et vous. Une fois l’apportable lancé et retombé, on donne l’ordre « va chercher » accompagné d’une petite tape sur l’arrière de la tête. Si votre chien part avant l’ordre, on le retient avec le cordeau en lui imprimant une petite secousse.
JFV : C’est un rappel de bonne conduite.
BD : Pour que votre élève assimile le mot « prends », on lui présente une friandise au ras du nez, s’il veut s’en saisir on l’en empêche avec un NON énergique. On recommence autant de fois qu’il faudra. Quand il sera calmé on lui dit « prends » et on lui donne la friandise.
JFV : Je l’ai fait avec mes 2 chiens. C’est beaucoup plus facile qu’on ne se l’imagine et à la fin cela devient un réflexe, notre compagnon ne prend plus que sur ordre.
BD : Passons maintenant au « Tiens bon ». Ce commandement évite que le chien ne lâche l’objet ou l’apportable. S’il le laisse tomber, on lui remet dans la gueule en lui disant fermement : « Tiens bon ».
JFV : Et comme d’habitude, on répète l’exercice autant de fois que cela sera nécessaire.
BD : Toutes ces actions se concluent par le « donne ». Lorsque, après ce nouvel ordre, votre compagnon remet l’objet dans votre main, vous lui donnez une friandise. Ensuite vous ne le récompensez qu’une fois sur deux etc…
JFV : Mais nos épagneuls n’ont-ils pas un rapport naturel ?
BD : C’est vrai. C’est pourquoi ces différentes méthodes ne servent simplement qu’à peaufiner le dressage de votre chien.
Ah ! j’allais oublier… Les solutions 2 et 3 peuvent se pratiquer consécutivement et même simultanément car elles sont complémentaires.
JFV : Envisageons le pire. Aucune solution ne fonctionne.
BD : Cela est rare. Dans ce cas vous avez toujours la possibilité de vous rapprocher d’un professionnel qui, lui, saura vous tirer de ce mauvais pas.
Bruno Demoulin : Après une éducation et un dressage adéquats, notre chien est maintenant prêt à se présenter à un field-trial. C’est le début d’une carrière pour notre épagneul et son conducteur.
JFV : Se pose déjà une première question importante : faut-il aborder en premier les compétitions de printemps ou celles d’automne ?
B.D. : Les chiens dits « de printemps » sont des sujets exceptionnels, il est donc préférable de commencer par le gibier tiré ou s’orienter vers le BICP, plus abordables, malgré un dressage un peu plus pointu (attention au rapport !).
JFV : Nous arrivons donc au lieu de rendez-vous…
BD : …et la première chose à faire est de se diriger vers le secrétariat pour y acheter son catalogue (programme) sur lequel on cherchera le numéro du concours de son chien. Le juge responsable de ce concours est noté sur un tableau dans la salle. Présentez-vous alors à celui-ci en lui remettant un carnet de travail rempli : date, lieu, société organisatrice, nature du concours (solo, couple, spéciale de races, interclubs, printemps ou gibier tiré etc…) et nom du juge. Repérez votre terrain sur la carte jointe ou, à défaut, dessinez-le sur une feuille avec un maximum de précisions. Demandez ensuite au juge la direction du début de l’itinéraire, la marque et la couleur de son véhicule et éventuellement son numéro de portable. Surveillez-le du regard pour ne pas manquer son départ.
JFV : Quand il y a un grand nombre de concours, l’accession aux terrains, à la sortie de la salle, se fait souvent dans un désordre indescriptible. Il arrive qu’on perde son juge et la panique commence à vous gagner…
BD : C’est vrai, mais par précaution, vous avez noté sur votre plan ou, si vous en possédez un sur votre GPS, le village le plus proche du lieu de votre épreuve et vous voilà presque sauvé !
Une fois sur place, il vous suffit de chercher des yeux un rassemblement de véhicules et de s’informer auprès des concurrents du numéro de leur concours.
JFV : Ouf ! Nous voici enfin à pied d’œuvre. Le concours va commencer.
BD : Demandez alors au juge en quelle position il pense vous faire passer. L’ordre du catalogue n’est pas forcément respecté.
JFV : Que dois-je faire de mon chien ? le sortir ? le laisser dans la voiture ?
BD : Il faut éviter de le garder en laisse près du terrain de compétition pour ne pas le perturber et prendre le soin de le faire uriner avant son passage. Au moment de la prestation du concurrent précédant votre tour, rapprochez-vous en évitant de fouler un terrain non exploré par un chien. Tenez-vous à environ 100 mètres. Dès que votre collègue a quitté le juge, dirigez-vous vers lui, saluez-le ainsi que le guide et les tireurs et faites asseoir votre chien.
JFV : Ce sont des petits détails qui ont leur importance et auxquels, dans l’émotion du moment, on ne pense pas toujours.
BD : Demandez alors au juge quelle partie de terrain votre chien doit explorer et décrochez votre compagnon à l’ordre du juge.
JFV : En route pour l’exploit. Attention ! le chronomètre est déclenché…
BD : …vous avez une minute pendant laquelle aucune faute ne sera retenue, mais les « points » pris seront comptabilisés. Profitez-en pour caler votre chien sur son parcours en évitant les pointes en avant et une quête dissymétrique.
JFV : La fin de la minute est signalée en général par un coup de trompe du juge.
BD : Evitez de siffler exagérément. N’allez pas trop vite, prenez plutôt une cadence tranquille comme à la chasse. Vérifiez toujours la direction prise par le vent, éventuellement en arrachant quelques brins de végétation que vous laisserez flotter. Un petit truc : regardez de temps en temps la direction prise par le guide ; n’oubliez pas que c’est en général lui qui a posé les faisans !
JFV (riant) : Ah, le filou ! je n’y aurais pas pensé…
BD : Lors de la prise d’émanation, ne vous précipitez pas, laissez votre chien monter au point si vous voulez éviter une remontrance. Dès l’arrêt ferme, allez le servir d’un pas rapide. Placez vos tireurs de chaque côté du chien. Le coulé se fait à l’ordre du juge. Faites voler si nécessaire.
JFV : Facile à dire, mais bien souvent le faisan semble enraciné au sol.
BD : Dans ce cas, tapez dans la végétation devant le chien et si rien ne se produit, forcez le coulé et tapez une nouvelle fois dans la végétation. En cas d’échec raccrochez votre chien et reculez d’environ 30 mètres.
JFV : Mais… et les tireurs ?
BD : Ils ne doivent se déplacer en aucun cas pour ne pas « marcher » malencontreusement sur un faisan.
JFV : On relâche donc le chien qui, avec un peu de chance prend un nouvel arrêt ferme.
BD : Servez-le. Si le faisan vole, le chien doit rester immobile…
JFV : Et s’il bouge ?
BD : « Appuyez-le » avec un « down » sec et sonore.
JFV : Il ne pourra plus prétendre qu’au Très Bon…
BD : Oui, mais il aura au moins une chance de se classer.
JFV : L’oiseau est tué, quid du rapport ?
BD : Il se fait à l’ordre du juge. L’oiseau doit être rapporté le plus rapidement possible. Vous pouvez encourager votre partenaire.
JFV : Doit-il s’asseoir et donner à la main ?
BD : C’est le petit plus qui peut départager deux chiens dont le parcours a été équivalent. Maintenant, vous pouvez raccrocher et vous mettre à la disposition du juge qui vous demandera de relancer pour finir le quart d’heure, si possible sans embuche. Le parcours terminé, celui-ci pourra alors vous dire si vous êtes classé et à quelle hauteur (entre le Très Bon et l’Excellent).
JFV : Attention, des fautes éliminatoires peuvent se produire (tape, mise à l’envol, sortie de main, course au poil etc…)
BD : Ne vous démoralisez pas. Revoyez les parties de dressage non acquises et comme dirait mon grand ami André Harduin : « Il faut encore travailler ! »
Bravo ! vous venez de vous classer avec un Très Bon ? Votre chien pourra prétendre désormais à la « Classe Travail »
JFV : Vous avez mordu à l’hameçon des fields. Cela deviendra vite une drogue dont vous ne pourrez plus vous passer.
BD : Sans doute, mais il faut bien se mettre dans la tête que les déceptions sont beaucoup plus nombreuses que les moments de bonheur. Mais, quand « vous serez au résultat », vous serez comblés et regonflés pour continuer la saison ou en recommencer une autre.
Jean-François Valibouse : C’est aujourd’hui notre dernière conversation, puisqu’à ce jour, nous avons abordé les sujets pour lesquels les débutants se posent le plus de questions.
Bruno Demoulin : A ce jour, les saisons de chasse et de fields touchent à leur fin.
JFV : Et malheureusement un certain nombre de chiens vont être délaissés dans leur chenil jusqu’à la prochaine ouverture.
BD : Ceux-là nous ne pouvons que les plaindre. Intéressons-nous plutôt à ceux que leur maître considère non seulement comme un fidèle compagnon, mais aussi comme un complice qui doit affirmer ses capacités sur le terrain. Nous allons donc régler tous les petits problèmes qui sont intervenus pendant la saison de chasse ou de field…
JFV : … en deux mots : défaut d’obéissance.
BD : Une parfaite obéissance est en effet la base de toute éducation et, si le chien connaît et a su exécuter correctement les ordres de son conducteur, la révision doit être menée avec plus de fermeté que l’apprentissage. N’oublions pas qu’un chien reprend très vite ses mauvaises habitudes dès qu’il ne se sent plus contraint.
JFV : Et la moindre faille est immédiatement exploitée.
BD : Les points que l’on doit revoir en priorité sont au nombre de 4 : la marche en laisse, le rappel, le down à distance, le rapport appris et, pour finir, nous dirons un mot du collier d’éducation.
JFV : Il est vrai que le chasseur, pressé qu’il était d’arriver à son poste de départ avant de lâcher son chien, a négligé la marche en laisse et dès que l’élève est en promenade, celui-ci tire de nouveau comme à son plus jeune âge.
BD : On se demande parfois qui du chien ou du maître promène l’autre. Aussi un petit rappel ne sera pas inutile : si votre chien veut absolument forcer votre allure, ne résistez surtout pas. Tirez brusquement et fermement sur la laisse en le remettant à sa place. Ce rappel pourra être conjugué avec un ordre vocal convenu : « Derrière ou au pied ».
JFV : Et s’il recommence ?
BD : Patience et répétition sont les deux clefs du dressage. Eventuellement, un petit coup de badine sur le nez pour les plus récalcitrants !
JFV : En ce qui concerne le deuxième point, le chasseur oublie souvent qu’il doit travailler en équipe avec son chien. Dans l’action, il néglige d’être inflexible sur le rappel de son auxiliaire…
BD : Sans aucun doute, mais il faut ajouter que le rappel est certes important à la chasse, mais aussi et surtout dans la vie de tous les jours.
JFV : C’est une question de sécurité pour le chien et un animal qui se prom&zgrave;ne en liberté répugne à faire demi-tour. Aussi le chasseur ou le compétiteur exigera-t-il un rappel sans aucun délai.
BD : Oui, mais pas seulement le maître ; il faut que toute la famille participe. Un animal, dans la hiérarchie, doit être le dernier. Cela évitera bien des accidents !
JFV : Abordons maintenant le troisième point : le down à distance.
BD : C’est l’une des plus vieilles méthodes pour stopper un chien avant l’emploi du collier d’éducation, un élément essentiel de l’obéissance. Il est indispensable d’immobiliser un sujet qui court sous l’aile ou poursuit un lièvre. S’il est un habitué des field-trials, cela est important car le règlement de la compétition interdit toute sortie de main. Mais il faut prendre aussi en considération le danger auquel s’expose un chien désobéissant. Combien de traversées de routes ont été fatales à un chien trop passionné ! Combien de véhicules ont été funestes à un impétueux coureur de chats ! Nous renvoyons le lecteur au paragraphe ci-dessus où cet exercice est traité dans le détail.
JFV : Quatrième point : en ce qui concerne le rapport appris, nous avons 7 mois pour réviser. Sans doute, mais à cette époque, il nous est interdit d’utiliser des animaux vivants…
BD : On doit tout reprendre à zéro, d’abord avec des apportables, puis des oiseaux congelés. Tous ces exercices se feront dans un parc privé ou dans une cour.
JFV : Comment procéder avec des chiens qui ont rencontré des problèmes de rapport durant la saison ?
BD : D’abord suivre un programme (relisez l’article sur le rapport) et surtout ne pas sauter d’étape. Le « prends » sera réalisé sur tout type d’apportable allant du journal au stylo. Si vous êtes dépassés par les événements, consultez un professionnel qui vous montrera en quelques leçons sur le terrain la méthode adaptée à votre chien.
JFV : Le collier d’éducation est-il le meilleur ou le pire des remèdes ?
Quand je vois l’usage qu’en font certains propriétaires, j’ai tendance à stresser.
BD : On doit utiliser le collier d’éducation avant tout pour se sécuriser.
JFV : Pour moi, il est semblable à une roue de secours, accessoire merveilleux, surtout quand on n’a pas l’occasion de s’en servir.
BD : En cas de sortie de main, suite à une course derrière un lièvre par exemple, si le chien risque de traverser une route nationale, il est préférable d’appuyer sur la télécommande que de perdre son chien.
JFV : Cela va de soi. Alors, comment et quand utiliser le collier ?
BD : Il faut savoir qu’il ne sert jamais à localiser son chien par les hurlements que provoque sa douleur.
Vous ne voyez plus votre chien : il est l’arrêt sur une bécasse. Votre impulsion lui fera comprendre à tort qu’il ne faut ni chasser, ni arrêter cet oiseau. Dans ce cas, le remède sera pire que le mal.
JFV : On devrait inscrire sur chaque collier, à l’intention de l’utilisateur : « Dans le doute, abstiens-toi ».
BD : Si l’on en trouve de nombreux dans le commerce, il est préférable d’en choisir un de bonne qualité avec un vibreur, appelé parfois pager complété des deux touches flash et cont. réglables en intensité. On devra ensuite moduler cette intensité en fonction du caractère et de la sensibilité de l’élève, l’augmenter progressivement si nécessaire et surtout la remettre à sa position de départ immédiatement après utilisation.
JFV : Voilà de quoi occuper un propriétaire durant toute l’intersaison, un beau programme de remise en forme du chien…
BD : …et aussi du maître.
JFV et BD : Souhaitons à tous nos amis débutants et confirmés que ces quelques conseils notés dans ces 8 volets les aident à obtenir un chien « bien mis ». La complicité entre le maître et son chien est un bonheur comparable à nul autre.